Réouverture, jeudi 4 juin, de la Cité de la culture avec la Journée de réflexion autour du projet de loi portant sur le statut de l’artiste et des métiers de l’art, un projet qui date et dont on n’a plus entendu parler à un certain moment. Aujourd’hui, il vient d’être remis sur la table. Des ateliers de discussion de ce projet ont été dispatchés sur plusieurs salles. Nous avons suivi le débat autour des métiers du cinéma.
Avant d’arriver à la salle Sophie-El Gholli, nous avons fait une petite pérégrination dans les autres salles réservées aux autres ateliers où les artistes et les techniciens du domaine discutaient ce projet de loi qui vient d’être remis sur la table après presque sept ans. Force est de relever que ces discussions étaient trop marquées par la colère, le désir profond d’utiliser des mots qui déchirent plutôt qu’ils ne construisent. Impressionnant le côté passionnel qui entourait ces débats et la charge de rancœur qui les caractérise… Indépendamment de tout… Les mots utilisés, le débit de la parole et les trémolos des voix seraient vraiment un instrument d’analyse scientifique parfait pour vous dire à quel point on est beaucoup plus proche de la névrose obsessionnelle que la passion de défendre un métier ou une cause ; … et chose étonnante… la plupart d’entre eux sont devenus plus connus par leur côté belliqueux que par leur création et cela dans tous les domaines artistiques sans exception. Peu de foudres de guerre, mais trop de guerre… Comment avancer dans tout ce fatras d’ego, toujours la gueule ouverte au soleil, et qui, mal ou peu nourri d’amour et d’affection, demeure infatigable à produire de la colère et de la haine entre eux ? Effet du confinement… Attention ! Il n’y a pas que ce mauvais genre, mais il y a les vrais ténors et des artistes de grande envergure dans la besace de la musique, du théâtre du cinéma et de la danse… ils ne sont jamais dans l’approche belliqueuse… leur revendication s’exprime de manière beaucoup plus élégante. Trêve d’opinions et passons à la salle Sophie-El Gholli où les professionnels du cinéma étaient réunis dans un débat animé par Mourad Ben Cheikh.
Un projet de loi a été longuement discuté avec un point et qui a malheureusement monopolisé presque tout le débat même s’il pose encore problème : celui de la carte professionnelle… Une chasse gardée pour les uns et, pour les autres, un droit pour chaque créateur… Reste alors les techniciens. C’est pour cela que la question de créer une nomenclature pour les métiers du cinéma à la lumière de laquelle on accorderait la carte en question.
«La carte professionnelle est nécessaire à tous ceux qui ont choisi de vivre de leur métier, qu’ils soient artistes ou techniciens.
Ils ont un travail intermittent, rappele Mounir Baaziz. Il faut que la loi s’adapte à cette intermittence et ne pas forcer tout le secteur à être hors la loi». Mais Mokhtar Laadjimi rétorquera avec la proposition de créer un fonds pour les intermittents du spectacle où tout le monde peut cotiser à l’instar des pays européens et ce qui mettra les artistes à l’abri du besoin pendant les périodes difficiles.
«Cette journée de réflexion était fondamentale, puisqu’elle fait le point de la situation actuelle du projet de loi sur le statut de l’artiste, déclare Mourad Bencheikh à La Presse. Voici un projet qui a vu le jour depuis plusieurs années, il y a plusieurs versions et une somme de réflexions conséquente… mais le processus s’est bloqué. Aujourd’hui, il s’agit de remettre la machine en marche pour parcourir le dernier km, c’est la phase la plus délicate, car il s’agit parfois de trancher définitivement entre des approches contradictoires, l’exemple le plus évident est celui des cartes professionnelles. L’ensemble du travail effectué précédemment est impressionnant; si nous arrivons à traiter les diverses conclusions avec une approche d’intelligence collective, je suis confiant qu’un résultat positif sera au RDV.
A la question : pourquoi la carte professionnelle a-t-elle monopolisé le débat ? Le réalisateur a répondu : «L’artiste n’a pas de statut dans notre pays, cela veut dire que la plupart des acquis, les plus simples pour le commun des mortels, deviennent compliqués à affirmer pour les créateurs et techniciens du domaine artistique. Etre reconnu sur sa carte d’identité en tant qu’artiste n’est pas si simple, pouvoir obtenir un visa, un crédit bancaire ou s’inscrire à la Cnss représente pour certains une gageure… Le statut de l’artiste devrait mettre fin à ces dérives et donner à l’artiste la reconnaissance et la place qui lui sied dans notre société. La carte professionnelle peut être l’instrument qui facilite l’obtention de ces droits, mais son instauration est parfois perçue comme l’installation d’un filtre, d’une barrière, pour l’intégration de nouvelles recrues dans le domaine. Certains pensent que l’art n’a pas besoin d’une carte pour être exercé et que la carte professionnelle ne doit pas exister. Quelle que soit la solution choisie, il faut qu’il y ait des garanties pour toutes ces opinions. La liberté d’opinion, et celle de l’exercice des activités artistiques sont des libertés fondamentales, reconnues par la Constitution et aucune régulation du secteur ne peut les limiter ou les bloquer. L’intégration de nouvelles recrues dans les métiers artistiques ne peut être bloquée par l’instauration des cartes».
Parmi les points importants dans la discussion pendant cette journée, il y a celui relatif à la position des auteurs. Les écrivains, poètes, compositeurs, dramaturges, scénaristes, metteurs en scène ou réalisateurs… ont une position particulière dans le domaine artistique. La spécificité du travail des auteurs n’est pas reconnue dans notre pays, il faut que cela change grâce à cette loi, notamment en ce qui concerne la question de la reconnaissance des droits d’auteurs.